COMBAT CONTRE L\' HYPERPHAGIE COMPULSIVE

Les sensations alimentaires et la notion de plaisir

Pendant toutes ces années de maladie, j’ai oublié ce qu’étaient les : faim, satiété, rassasiement et surtout plaisir.

Tout devait être soit calculé pour ne pas grossir ou plutôt maigrir. Je me fichais absolument du plaisir alimentaire car mon but n’était pas celui-ci. Car les aliments qui me font « plaisir » sont ceux que je m’interdis : pas question de craquer et prendre 1g pour satisfaire ce plaisir éphémère qui m’aura fait grossir.  J’ai longtemps essayé de lutter contre ces envies qui, petit à petit, viennent m’ensorceler jusqu’à me faire craquer. Ainsi en voulant satisfaire tous ces plaisirs et étant persuadée que « tout est foutu » si je mange un carré de chocolat : alors viennent une série de crises plus incontrôlables et répétées les unes des autres.

J’ai longtemps eu cette réflexion à partir du moment où je voulais maigrir. L’après-crise me crée une frustration telle que çà finit toujours en pleurs et en comportement compensatoire par dépenses caloriques : marche rapide ou cardio-training.

 

Pendant ces crises, je me rends compte que je suis souvent déçue car ce plaisir tant attendu n’est que furtif. Comme je suis persuadée que je vais grossir avec cette crise, j’en profite pour ingurgiter tous ces aliments que je m’interdis. Mais le plaisir ne suit pas : alors qu’il fait place au dégout, je continue de manger car finalement ce n’est plus le plaisir qui est recherché mais le reconfort. Je continue encore et encore mais çà ne me réconforte pas du tout, le dégout s’intensifie mais il faut continuer jusqu’à ce que je sois pleine jusqu’à la limite de vomir. Une sorte d’anesthésie m’envahie c’est comme avoir pris un calmant. J’ai compris que c’est mon réconfort. On passe à l’origine d’une recherche du plaisir à un état comateux avec dégout, honte, culpabilité, mésestime de soi…

 

J’ai pu remarqué que cette notion de plaisir arrivait trop rapidement et que je n’avais pas le temps de profiter de la montagne d’achats alimentaires sensée me faire plaisir. Ce moment est à moi, il m’appartient ! Bien souvent je n’ai pas de plaisir sauf un peu en début de crises. Le fait de manger très rapidement ne me laisse même pas le temps d’identifier ce plaisir car cette fois ci je me rends compte que j’ai longtemps pensé que la quantité était associée au plaisir. Plus je mange ce dont j’ai envie plus j’aurais de plaisir. Sauf que c’est faux, je le sais puisque çà fait des années que je fais des crises et qu’à chaque fois je suis déçue. Pourtant je ne peux pas m’en empêcher ! Le plaisir ne se situe plus au niveau de la dégustation des aliments mais plutôt de l’anesthésie que cela procure. Cela n’a donc rien à voir.

 

Quand je suis arrivée à un moment de ma vie où je n’arrivais plus à rien contrôler et que les kilos s’accumulent alors que je pèse plus de 155kg, je me dis qu’il me faut m’accepter comme je suis que je n’ai plus de solutions possibles. Mes repas n’étaient que des repas de crises que gras et sucrés. Moi qui adore les légumes je n’en mangeais plus. D’habitude j’arrivais plus ou moins à remonter la pente pour arrêter ces crises mais cette fois-ci, la dépression est tellement forte que je laissais tout tomber jusqu’à en arriver à une déchéance physique qui ne me permettait plus de marcher.

 

Depuis ma prise en charge au niveau nutrition et TCA, je vais mieux, mais c’est très long et compliqué. Il m’a fallu des mois et des mois d’exercices pour récupérer la faim car j’anticipais toujours la faim et mon estomac était constamment plein. Avoir le ventre vide me faisait peur, je n’étais pas rassurée pensant que j’allais faire un malaise. De plus entre les trajets et le boulot mes journées sont très longues : lever à 5h15 – coucher à 23h30. Au début ce n’est pas du tout facile de pouvoir reconnaître la faim d’entre cette espèce de grognement d’estomac qui surgit après une émotion ou un stress. D’où la difficulté de l’exercice car comment reconnaître la faim organique parmi les émotions/stress ? Encore maintenant quelquefois j’ai dû mal : il m’arrive de recommencer tous les exercices depuis le début pour ne se concentrer que sur la faim.

J’avoue que l’équipe médicale qui gère la thérapie cognitive et comportementale aide beaucoup. Sans cette aide, je ne sais pas si j’y serais arrivée. Puis après la faim, il s’agit de repérer la satiété. On ne parle pas encore de sensations alimentaires. J’ai pu remarqué que si j’étais concentrée sur les sensations alimentaires plutôt que la faim, çà ne fonctionnait pas (dans mon cas peut être pas pour les autres !) car je ne sais pas gérer les 2 en même temps. Donc, j’ai remis à plus tard, la notion de plaisir gustatif au profit de l’apprentissage de la faim.

 

Une fois que je pense savoir repérer plus ou moins correctement la faim, je passe à la satiété. Cette sensation de ne plus avoir faim est encore plus compliquée que l’apprentissage de la faim. Puis vient le rassasiement. A vrai dire, çà demande des mois aussi et à ce jour, suite à des soucis médicaux digestifs, çà a amputé mon travail sur la faim et satiété. J’avais réussi à voir un peu ce qu’était que la satiété mais j’avoue que ce n’est pas évident du tout ! et là aussi çà prend plus de temps que la faim. Même chose : le plaisir est mis de côté au profit de cet apprentissage.

 

A présent que je sais à peut près ce que faim et satiété signifient, je peux commencer à me pencher sur la notion de plaisir gustatif. A vrai dire la faim et satiété ne se faisant pas naturellement, je dois tout le temps me poser les questions et réfléchir si j’ai encore faim ou pas ou si je suis rassasiée ou pas. Etant englobée dans cette réflexion, j’en oublie de penser au plaisir.

 

Mais bon, je commence un peu plus tous les jours à y penser. Je sais que si on mange avec faim des aliments dont on a envie, et qu’on s’arrête à la satiété, je peux éprouver du plaisir. Avec la pratique, je peux même distinguer que j’ai besoin de tel aliment plutôt qu’un autre (carence ?) ou encore que je n’ai plus envie d’un aliment alors que j’ai encore faim. Ce processus arrive à se peaufiner au fur et à mesure. Il m’arrive encore de surpasser la satiété alors que j’en ai eu le signal. J’ai compris que le corps sait se réguler seul à condition de lui faire confiance et surtout de l’écouter.

 

Sauf que je n’arrive toujours pas à manger lentement. Il faut toujours que je me remplisse très rapidement ce qui ne me laisse pas forcément le temps de déguster et d’apprécier le repas ou la collation. C’est peut être plus facile si on accepte dans sa tête de manger des aliments dont on a envie ce qui n’inclut pas forcément que des aliments interdits.

J’ai remarqué aussi que de temps en temps j’ai envie d’un goûter. J’essaye le mieux possible de le déguster pour l’apprécier en bouche. Je pense que c’est plus facile de prévoir et accepter de prendre ce goûter, s’en accorder le temps pour la dégustation. Celle-ci ne passe pas forcément que par l’ingestion mais surtout par le regard de l’aliment, le sentir, le toucher puis le déguster lentement afin d’en faire ressortir toutes les richesses du palais.

 

Les sensations alimentaires ne sont donc pas que le plaisir gustatif. Elles représentent aussi de sentir, toucher, déguster lentement afin de s’en imprégner du goût, des différents aliments qui le compose, de voir s’il est croquant ou fondant etc…

 

Sincèrement je n’y arrive pas encore car j’ai ce problème de grosse quantité. Pour moi, le plaisir gustatif est associé automatiquement à la prise d’une grosse quantité du même aliment alors que c’est faux. Il m’arrive quelquefois, après le repas, de réussir à déguster 1 ou 2 carrés de chocolat et c’est tout. Mais je n'y arrive pas tout le temps car çà peut tourner en compulsions. Ce n'est pas grave, demain j'y arriverais ! L'important est de ne pas se focaliser sur l'echec mais sur la réussite même minime même furtive car c'est elle qui va nous guider vers le chemin de la guérison.

 

L’importance de prendre le temps pour récupérer la faim, la satiété et les sensations alimentaires sont primordiales. Car je vous assure qu’en suivant ces paramètres, j’ai perdu beaucoup de poids et j’arrive maintenant à manger des féculents le soir alors que j’en avais peur. En commençant à maigrir, mes démons minceur sont revenus avec besoin d’une compensation dépense calorique après avoir mangé des aliments interdits ou féculents le soir. Avec mes soucis de santé, j’ai été contrainte de ne pas faire de sport. En continuant à rester concentrée sur les faim et satiété, je n’ai pas grossi et pourtant je mange régulièrement des aliments interdits et de féculents le soir. Seulement j’essaye de bien écouter ce que me dit mon estomac et j’arrête dès que je n’ai plus faim. Quelquefois je dépasse un peu la satiété mais bon çà va. J'insiste sur la nécessité de s'accorder du temps pour des expériences alimentaires : essayez de voir si votre poids varie si vous vous autorisez une cuillère de riz, de pâtes ou patates le soir. Ce peut être d'autres aliments bien sûr. Le lendemain vous pouvez vous peser sur 1 semaine chaque jour ou tous les 2 jours. C'est un réel besoin de se sentir rassurer que l'aiguille de la balance ne va pas bouger à cause du 1/6 ou même 1/4 de baguette de pain.

J’ai toujours ces compulsions alimentaires qui me suivent : tant pis si je craque, elles remplaçent mon repas. Depuis 1 an j’ai dû rechuter une dizaine de fois et maintenant ce sont plutôt des débuts de crises (ces fameuses compulsions) plutôt qu’autre chose. Les échecs qui sont vécus comme dramatiques permettent avant tout d'avancer. Attention il est très important d'être encadrés médicalement.

 

J’encourage à :

 

-         manger quand on a faim et arrêter quand on a plus faim. Peut importe l’heure, peut importe le nombre de repas et les aliments. Ceux-ci ne feront pas grossir si ces paramètres biologiques sont bien suivis.

-         accorder et du temps au repas si possible sans télévision afin de bien se concentrer (car au début c’est dur)

-         puis s’atteler aux goûts et textures alimentaires qui mènent au plaisir gustatif

-         accepter qu’1kg de carotte râpée risque de me faire grossir s’il est mangé sans faim alors qu’une part voir plus de pizza mangée avec faim et satiété ne fera pas grossir.

 

Quand on a un TCA, avoir à accepter ce raisonnement est bien plus compliqué que tout car on a toujours la peur de grossir qui ressurgit ce qui gâche le plaisir gustatif car apparaît la culpabilité. Le mieux à faire est de tester sur quelques jours en se pesant pour se rassurer de ce que l’on voit sur la balance. Exceptionnellement la balance est la bienvenue pour ce genre d’exercices. Ce n’est que petit à petit qu’on prend conscience de tout ce mécanisme.

Laisser place aux sensations alimentaires en suivant ses envies, je dirais que c’est la meilleure des choses à faire ce qui soulage moralement de toute cette culpabilité, anesthésie des goûts et de la faim etc… Je pense sincèrement qu’il s’agit de la voie vers la sérénité alimentaire. En attendant, cela demande beaucoup d’implications de soi car çà remet en question toutes ces années de comptage calorique etc alors que naturellement nous n’avons pas besoin de le faire.

LE CORPS SAIT SE REGULER SEUL : LUI FAIRE CONFIANCE C’EST SE FAIRE CONFIANCE. IL SAIT CALCULER NATURELLEMENT LE NOMBRE DE CALORIES QUELQUE SOIT L ALIMENT INGERE (interdit ou pas). Nous n'avons donc pas besoin d'avoir à tout calculer puisqu'il sait se réguler seul. ON EST CAPABLE D’Y ARRIVER EN ETANT A L’ECOUTE DES SIGNAUX QUE LE CORPS NOUS ENVOIE. Seulement ces signaux ont été anéantis par la maladie. Apprendre à les récupérer est un choix. Ce choix mène à la guérison mais c’est aussi choisir de guérir en acceptant qu'il puisse y avoir des hauts et des bas dans le domaine alimentaire ou autre.

 

Exemple, si on a bien mangé avec un carré de chocolat à la fin du repas ou une crème dessert, et qu’après la satiété on va encore manger une pomme, ce ne sera pas la crème dessert qui va faire grossir mais la pomme ! Elle ne fera pas grossir immédiatement mais à long terme (effet cumul sur des années). En fait il faut revoir toutes nos croyances alimentaires qui sont souvent erronées. C’est par là que commence le chemin vers la sérénité alimentaire et je dirais même que le plus dur est d’en prendre conscience et de les accepter.

 

Quel bonheur de pouvoir se réguler naturellement (avec variation d’1 ou 2kg mais c’est normal pour tout le monde !) tout en mangeant avec plaisir ! Ce n’est pas un rêve nous aussi on va y arriver, doucement mais cette fois-ci sûrement !!

 

Je conseille de prendre le temps de déguster, de sentir, toucher l’aliment (au début pas tous les jours bien sûr mais au moins 1 fois par mois puis 2 etc). Il est important de prendre le temps pour le faire (sans penser ou faire autre chose en parallèle) : dans une belle assiette ou au  restaurant, dans un endroit où l’on se sent bien. Même si on n’y arrive pas au début, essayer ne coûte rien. Moi-même je n’y arrive pas encore mais j’essaye toujours de temps en temps et surtout avec un aliment qui fait plaisir (en principe un aliment qu’on s’interdit). Attention, pour l’avoir expérimenté cet exercice peut déclencher une ou des crises car on déguste pour une quantité réduite de produits (ex : quelques chips et non le paquet entier). Ca crée l’envie de crise derrière car la peur de grossir et nos pensées automatiques se pointent fortement. Personnellement çà a été très difficile, ou alors une anecdote est de se faire accompagner par un(e) ami(e), famille etc. A force de le faire, ces besoins de crises passeront. Ce sont toutes les croyances alimentaires fausses qui refont surface et on n’aime pas ça du tout donc çà remue pas mal de chose. On en devient réticent à ce genre d’exercice. Pas d’inquiétude c’est normal. Le mieux à faire est de demander à votre psy de faire ce genre d’exercices ensemble s’il est coopératif.

 

 

Voir aussi l’article sur le poids naturel cliquez ici 

Vous pouvez consulter les articles :

-         « retrouver ses sensations alimentaires » du magazine psychologies.com

-         « la régulation naturelle de l’apétit » du site linecoaching.com



17/07/2012
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